Correspondance fictive entre Emma Bovary et Nabou (Le Mariage de plaisir de Tahar ben Jelloun)

Lettre de Madame Bovary :

Ma chère damoiselle,

L’amour ne s’écrit pas, pour autant je vais essayer de vous faire parvenir les sentiments les plus profonds que j’éprouve à votre égard. Les mots ne sauraient cependant retranscrire l’immensité de l’amour que je vous porte. Sachez ma belle amie, que la senteur de violette qui émane de vous m’envoûte. Je frétille d’impatience à l’idée de goûtez cette fragrance subtile et délicieuse sur votre peau ô combien délicate. Votre grâce n’a d’égal l’envol d’une colombe lors d’une matinée de printemps. J’envie les rayons du soleil qui épousent votre doux visage, et qui vous réchauffe de la même manière que je souhaiterais le faire. Toute la ganache du monde ne saurait ravir autant mes papilles que votre bouche, qui doit être toute aussi sucrée. Mais là n’est pas la seule chose que j’aimerais effleurer ; vos jolies éphélides qui se dessinent sur vos joues telles des étoiles semblent me quémander de les embrasser. Lorsque vous êtes habillée, vous êtes fraîche comme un bouquet. Pourtant, toutes les fleurs du monde ne sauraient égaler votre beauté. Vos lèvres, semblables à des pétales, scintillent de leur rosée, et de ces dernières, mon regard ne saurait se détacher. Dans vos bras je désire m’abandonner, et ce, pour l’éternité.

Il suffirait d’un alignement des astres pour que nous nous retrouvions enfin, mon amour. Le soleil et la lune ne peuvent se rencontrer qu’une fois tous les deux mille ans, une faille dans l’espace-temps. Voilà tout ce que je demande. Une opportunité de destroyer ce maudit rempart qui nous sépare. L’univers semble s’être ligué contre notre amour pourtant intemporel. J’ai bien conscience de n’être qu’une jeune pucelle sans aucune connaissance des plaisirs charnels, pour autant mes cinq sens n’ont jamais été aussi éveillés qu’en votre présence. Si vous me le permettez madame, je brûle d’envie de les explorer davantage en votre compagnie.

Ô, que les cieux fassent de moi une immortelle afin que je puisse transcender les Âges et vivre à vos côtés.

Votre bien-aimée, Emma Bovary.

Réponse de Nabou :

Chère Madame,

            Je dois t’avouer que j’ai un bien grand mal à m’imaginer être la destinataire de cette aussi belle lettre. Comment une femme aussi grande et estimée que toi pourrais vouloir s’associer avec une personne telle que moi, une moins que rien. Et ton mari, as-tu pensé à lui ? Et s’il l’apprenait, tu risquerais d’en pâtir. Je n’ai aucunement la prétention de vouloir le remplacer, j’en suis bien incapable.

            Mais loin de moi l’idée de vouloir te faire la morale, et ce serait te mentir que de dire que cette lettre m’ait laissée de marbre. Depuis que nous nous sommes vues, ton visage hante mon esprit. Je ne cesse de penser à nos rencontres fortuites dans ton appartement, dans la remise… Tes baisers me manquent, je sais que tu aurais aimé conclure cette mésaventure mais je n’ai pas voulu aller plus loin. Et tu as accepté. Depuis toujours, on me fait comprendre que mon corps ne vaut moins que rien, que tous peuvent s’en servir comme d’un simple jouet, il ne vaut moins qu’un chien errant, pourtant, toi, tu l’as respecté. Tes caresses sur mes joues me le faisait comprendre. Ton regard aussi. Ce que nous avons vécu ce jour-là était vrai. Je me suis sentie vivante, aimée. Pour la première fois de ma vie.

            Mais en même temps, tu sais que nous n’aurions pas l’opportunité de nous revoir de si tôt. Tu es repartie auprès de ton mari, et tes dernières paroles envers moi me semblaient assez claire de ta volonté de ne pas remettre les pieds ici. Ne crois pas que je n’ai pas entendu ses paroles. D’où ma surprise à la réception de cette lettre. Je n’apprécie pas tant que tu joues ainsi avec mes sentiments, si tu n’as pas compris que ma vie était déjà assez difficile telle qu’elle est.

Je te laisse réfléchir sur ça.

Adieu, Nabou

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *