Réparer les vivants, Maylis de Kerangal

Le cœur de ce roman correspond au cœur de Simon Limbres, jeune homme, passionné de surf, qui perd la vie dans un accident de voiture. Sa dépouille est à peine endommagée, une transplantation cardiaque est possible. Mais sa famille acceptera-t-elle qu’on touche à la dépouille du défunt ? Le docteur réussira-t-il à la convaincre ? Sa petite copine a-t-elle son mot à dire ? L’opération va-t-elle se dérouler avec succès ? La patiente aura-t-elle le droit à une deuxième vie avec le cœur de Simon ? A partir de ce seul évènement, les questions se multiplient au travers des différents personnages qui viennent apporter leur sensibilité et leur vécu.

Dans ce récit, chaque chapitre correspond à un point de vue. On alterne entre eux avec des enjeux propres à chaque fois. Chaque personnage a une chose à dire, une manière de voir les éléments selon son expérience, une réaction particulière face à la douleur et à la mort. Et toutes ces voix viennent se mêler au fur et à mesure que l’intrigue avance pour composer une grande caisse de résonnances autour de cet évènement tragique.

L’écriture de Maylis de Kerangal, avec ses phrases amples au vocabulaire raffiné, nous baigne dans cet univers, jusqu’à le rendre angoissant. Le temps est si court pour effectuer l’opération : à peine 24 heures, c’est la durée du récit. Et pourtant malgré cette urgence, tous les enjeux sont étudiés avec minutie dans une narration lente, favorisée par la polyphonie narrative. Aucun point n’est clos sans que tous les protagonistes aient leur mot à dire, on progresse par paliers successifs dans cette course épuisante. Cette multiplicité des points de vue nous fait perdre toute notion du temps. Ce dernier apparait comme dilaté dans une constellation d’opinions qui doivent se renfermer sous 24 heures. On sait que la chute est au bout, que cette dilatation de l’espace et du temps va aboutir à une révolution, et le rythme en devient haletant, parfois insoutenable.

Le vocabulaire, largement d’ordre médical, est traité beaucoup d’exactitude. On sent que l’autrice s’est penchée sur le sujet pour apporter une touche de réalisme supplémentaire à ce récit, qui n’en manque pourtant pas. Chaque personnage apporte des précisions à la situation avec ses connaissances propres. Cela nous permet d’intégrer cet univers dans lequel les portes d’entrée sont nombreuses. Les personnages deviennent des points de passage du récit, ils perdent leur personnalité pour participer à une vaste enquête qui rapproche ce roman du nouveau réalisme.

Auteur

  • Agé de 23 ans, je vis en proche banlieue parisienne depuis une quinzaine d'années. J'ai fait une licence de droit à Paris, puis je suis parti à Lille pour mes deux ans de master ELEN. Plus tard je souhaite travailler dans une maison d'édition à Paris.

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