La Prison des Normes

Victoria Mas a travers Le Bal des Folles et Camille Laurens dans Fille abordent toutes deux le même sujet, bien que de façon très différente, l’une à travers l’autofiction pour Camille Laurens et l’autre via un récit choral sur trame de fond historique pour Victoria Mas. L’on parle ici de la façon dont le rôle de la femme, telle que l’entendent la société et l’ensemble des normes qu’on inculque dès le plus jeune âge ; si ses normes sont brisées, cela entraîne un jugement, un commentaire, une exclusion voire même un enfermement, dans le cas de Le Bal des Folles.

Les deux œuvres divergent dans la façon dont ces normes sont imposées (en relation avec l’époque où se situe l’action des ouvrages). La violence des normes s’impose dans Fille dans les enseignements, le conditionnement que l’on impose à Laurence Barraqué, le personnage principal, par les mots, plus particulièrement ceux qu’on emploie pour la désigner, soulignant qu’elle sera toujours ‘fille de’, ‘femme de’, là ou un homme peut être mari de ET homme. L’oeuvre de Victoria Mas, quant à elle, décrit une violence et une violence beaucoup plus brutale, physique, ou les femmes qui refusent de se conformer aux normes de la société, au rôle qu’on veut leur attribuer se voient physiquement (et brutalement) retirées de la société, mises à l’écart, emprisonnées à l’hôpital de la Salpêtrière, rabaissées au rang de curiosité, dénigrées par le terme-même de folle.

Dans les deux cas, on assiste à une forme d’oppression des hommes sur les femmes, au point dans Fille que la narratrice elle-même intègre certaines de ces notions qui lui sont imposées, les considère naturelles, refermant elle-même ses propres chaines. Dans les deux cas, il s’agit plutôt d’observation passive, bien que Camille Laurens prenne une distance avec son récit avec un certain humour noir, là ou Mas est beaucoup plus crue dans ses propos. Les livres prenant plus une place de témoin que d’histoire où les normes sont brisées et renversées, ce qui souligne la puissance de ces normes et la difficulté de s’en détacher et cherchant plus à provoquer l’indignation, la réflexion chez le lecteur qu’à lui présenter un renversement.

L’importance de ces textes vient de leur capacité a apporter une réflexion sur nos sociétés, la façon dont elles briment les femmes, les enfermant -psychologiquement, si ce n’est pas physiquement- par des normes imposées, via l’éducation, la culpabilisation, la violence à la fois physique et verbale et même par la linguistique comme le souligne intelligemment Laurens. Par leurs mains, le texte se libère des normes et les dénonce d’une même pierre.

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