Ecriture de la Migration -Malo Demesidon

Terre

Tír na nÓg, la Terre Verte, la Terre de l’éternelle jeunesse ; une terre de rêve, un terre de contes, d’histoire raconté au coin du feu, plein de merveille ou de terreur à la volonté du conteur, un terre de futur, pour lui et son peuple, que Mile ne connaissait lui même que par ces récits, une terre intangible et irréelle ; une terre d’espoir. De cet espoir qui aveugle et pousse à tout, de cet espoir qui le poussait a partir sur une mer hostile sans savoir vers ou il se dirigeait, peut être vers une terre qui n’existait pas.

Mile guettait l’horizon, la ligne floue ou la mer grise et grondante rencontrait un ciel nuageux du même teint. L’air glacial fouettait son visage et il resserra sur ses épaules son lourd manteau de fourrure, hérité de son père, rendu aussi lourd sur ses épaules par les embruns, que les responsabilité dont il avait également était l’héritier. Ses pensées tourbillonnaient sous son front froncé, déjà un peu ridé, assourdissant presque le fracas des vagues qui se brisaient sur la proue de son navire, le gémissement du bois sous ses pieds, le claquement des voiles et des cordages, le hurlement du vent dans ses oreilles, le rugissement de la mer tout autour. Il détourna le regard un instant, regardant son aîné derrière lui, affairé à la tâche, son fils sentant son regard, lui rendit avec un sourire ; confiant.

Confiant, la même confiance aveugle, naïve, que lui donnaient ses autres fils sur leur bateau respectif, ainsi que tous les autres, hommes, femmes, enfants, vieillard qui attendait, blottis les uns contre les autres. La confiance que leur père savait ce qu’il faisait, que tout irait bien, qu’il les menait sur une nouvelle terre, une terre où son peuple serait prospère et sauf. Mile se reprit pour la centième, la millième fois à douter, douter que la Terre Verte était même réelle, qu’il n’était pas un fou poursuivant un songe fiévreux ou qui menait tout ceux qu’il avait connus dans la gueule béante et avide de la mer. Comment pouvait-il avouer la peur qui étreignait ses entrailles, l’angoisse qui le maintenait éveillé jusque tard dans la nuit, la terreur animale qui l’avait éveillé d’un cauchemar de noyade une nuit ; ce poids était le sien, il devait le porter comme il portait leur confiance.

Une vague plus haute que les autres l’arracha à ses pensées en trempant le bas de ses guêtres, jurant, il pria une nouvelle fois pour qu’on leur accorde une accalmie et rajusta sa prise en attrapant de sa main à la paume noueuse un cordage proche ; jetant à nouveau son regard sur le lointain dans un moment qui parut lui sembler une éternité.

Une seconde, ou peut être dix, son cœur arrêta de battre, avant qu’une voix éraillée ne crie au dessus des éléments déchaînés.

«TERRE!»

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *